J’y parle de ma vision du métier, de ce qu il éveille et qu’il fait vibrer chez moi , loin de me prendre pour un dieu !
J’espère qu’il vous plaira !

Guide de haute montagne :
Un métier qui sublime son sens dans l’accomplissement et le dépassement d’autrui, que ce soit dans une grande face Nord ou une simple découverte à ski de randonnée. J’éprouve une certaine satisfaction à inciter mes clients à connaitre et à utiliser leurs corps pleinement: leurs capacités physiques, psychologiques mais aussi émotionnelles. A s’inscrire dans le temps long, loin d’une société de l’instantané. Peut-être que le regain d’intérêt des dernières années pour les activités montagne prend sa source dans ce monde d’en bas qui refoule ces besoins primaires?
Le lien que l’on tisse avec un client d’un jour ou d’une carrière, se noue subtilement selon la situation, au gré des aventures partagées. La montagne ne fait pas de distinction de classes sociales, et les relations n’en sont que plus fortes et authentiques. Et souvent, malgré la relation commerciale, un rapport amical apparaît. Pour peu que l’on accepte de se laisser mettre à nu par la montagne, en toute humilité. Difficile de se cacher derrière des faux-semblants là-haut!
Et difficile aussi de ne pas percevoir l’ambiguïté et l’ambivalence qui se cache derrière ce métier : la pratique de la montagne a malheureusement un impact sur ce milieu qui nous est si cher, et j’ai beau avoir évité le déplacement aérien ces vingt dernières années, ce n’est pas le cas de mes clients étrangers!
Je me sens également tiraillé entre cette activité addictive et les autres pans de la vie, l’équilibre est difficile à trouver tant la gratification de guider est grande : « la différence entre un guide et Dieu ? Dieu ne se prend pas pour un guide, lui ! ». C’est une blague de guide qui ressort souvent à l’apéro du refuge ! Et tout comme on revient au verre de blanc, les hormones du bonheur liées à l’activité sportive nous rappellent à elles si on s’arrête trop longtemps…
Un métier passion que je vis jusqu’aux tréfonds de mon âme; souvent beau, parfois dur, demandant une implication totale quelle que soit la situation. Une manière de vivre l’instant présent pleinement, dans la recherche du geste juste – le « kairos » d’Aristote – mais aussi de la décision la plus adaptée. En acceptant l’incertitude, en jaugeant la prise de risque, en intégrant de multiples paramètres plus ou moins objectifs. Car la montagne en elle-même n’est pas dangereuse, et je me méfie avant tout de moi-même.
L’esprit tourné en permanence vers les conditions du moment, indépendamment du jour de la semaine. L’esprit centré aussi sur ses propres capacités et ses limites, qu’on apprend à connaitre et reconnaître; sur son propre ressenti presque animal basé sur des perceptions parfois très fines de notre environnement.
L’esprit habité par ces émotions fortes qui nous submergent souvent : la joie de voir couler une larme sur la joue de son client au sommet, la peur à l’approche d’un passage délicat, le bonheur d’un beau geste ou encore la félicité d’une belle soirée en refuge.
Plus qu’un métier, je perçois cette activité comme un mode de vie!
Arthur Sordoillet
