Face Nord du Cervin (4478m) 1000m, TD/TD+
Voie Schmitt
Massif du Valais (Suisse)
La face Nord du Cervin fait partie de ces itinéraires mythiques des Alpes, un maillon de la fameuse trilogie Eiger-Jorasses-Cervin !
Comment se construit la notoriété d’une face ? Très probablement son histoire, plus ou moins tragique, les hommes qui l’ont façonnée, les difficultés techniques et l’engagement bien sûrs, mais aussi la magie du lieu et l’esthétisme de la paroi…
Le Cervin a quelque chose d’envoûtant : une belle pyramide élancée sortie tout droit d’un dessin d’enfant, obélisque isolé qui supplante les montagnes environnantes. Depuis Zermatt, le regard se pose naturellement sur la face Nord, et la magie opère ! Reste à trouver les bonnes conditions pour l’ascension, sans négliger la descente sur l’arête du Hörnli, fort longue…
La première ascension du Cervin a été réalisée le 14 juillet 1865 par une cordée de 7 personnes dont Edward Whymper. Elle a été réalisée par l’arête du Hörnli, voie de descente classique de la face Nord. C’est justement à la descente de cette première ascension qu’un drame survint : la cordée est entraînée par la chute d’un de ses membres, en direction de la face Nord. La corde casse, sauvant d’une mort certaine Whymper et deux guides.
Contrairement à d’autres montagnes comme l’Eiger, l’histoire est ensuite plus clémente, et la face Nord du Cervin est moins connoté au tragique.
A l’époque des trois derniers grands problèmes des Alpes dans les années 30, à savoir les faces Nord de l’Eiger, Jorasses et Cervin, celui-ci avait la réputation d’être difficile et dangereux, au point d’être considéré comme la course glaciaire la plus dure des Alpes orientales.
Dès 1923 une cordée part pour la face Nord, il s’agit des autrichiens Alfred Horeschowsky et Franz Piekelko. Ils progressent rapidement mais des chutes de pierres les contraignent à s’échapper vers SolvayHütte, petit refuge perché à 4000 m sur l’arête du Hörnli. On peut penser qu’avec de meilleurs conditions, la cordée aurait eu suffisamment de maîtrise pour venir à bout de la face, mais ça aurait probablement altéré le mythe !
Après un apprentissage dans le massif de l’Empereur (Autriche), Franz Schmid (26 ans) et son frèreToni (22 ans), sans le sou mais motivés, rejoignent Zermatt à vélo depuis Munich (Allemagne), la bagatelle de 500 km avec les bicyclettes de l’époque ! Ils transportent leur matériel, notamment des broches à glaces, utilisées pour la première fois en 1924 par Willo Welzenbach. Ces broches constituent la clé de l’ascension puisqu’elles leur permettront de s’assurer un minimum dans les pentes de glace. Ils attaquent le 31 juillet 1931, sous les longues vues de Zermatt qui scrutent leur ascension. Après 1 bivouac dans la face puis 2 nuits à SolvayHütte suite à l’arrivée du mauvais temps, la face est vaincue et le retour des deux frères à Zermatt est un triomphe. Cette performance leur vaudra le prix olympique aux Jeux d’été de 1932 de Los Angeles.
Notons ensuite la performance de Walter Bonatti qui signe là son adieu au grand alpinisme : durant l’hiver 1965, il ouvre une directe solitaire hivernale dans la face Nord.
La voie Schmid voit ensuite le passage des grands alpinistes contemporains, souvent lors de la fameuse trilogie. Christophe Profit la remonte durant l’hiver 1987, après l’Eiger et les Jorasses, le tout en 42h !Puis Ueli Steck explose le temps d’ascension, après un entraînement spécifique et sans avoir reconnu la voie : 1h56 !
L’accès à la face Nord est rapide : une traversée glaciaire d’une petite heure depuis Hörnlihütte suffit pour rejoindre l’attaque. La face est impressionnante et l’itinéraire ne saute pas aux yeux. Les difficultés techniques ne sont pas énormes si l’on suit bien les lignes de faiblesse, et si l’on dispose de bonnes conditions. Il s’agit de grimpe « sur les pieds », et de quelques pas mixtes. Le rocher n’est pas fameux mais on trouve quand même des pitons et relais dans la partie médiane de la face. L’arrivée au sommet italien est magnifique, et la traversée aérienne jusqu’au sommet suisse qui s’ensuit reste inoubliable ! Il ne reste plus qu’à gérer la longue descente de l’arête du Hörnli, au cours de laquelle SolvayHütte offre un repos -plus ou moins long- bien mérité !
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